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Macabus, plus de 46 ans de photographie à Brazzaville

Victor Miakabana dit Macabus est, à 66 ans, incontestablement l’un des plus vieux photographes congolais encore en activité. L’homme filme depuis plus de 46 ans. Macabus est encore présent sur certains événements tels que les matchs de football.

C’est au tout début des années 1970 que Macabus se forme en photographie. Il a connu le grand format, cet appareil où il fallait plonger toute la tête dans l’objectif pour faire des images. A son époque, une fois les photos réalisées, il fallait attendre 15 jours, après avoir envoyé les clichés en France, pour apprécier les images réalisées.

Venu de son petit village natal de Madzia dans le Pool, le jeune Victor débarque sans ambitions à Brazzaville. Il tente le cours moyen du primaire, mais ne peut aller loin faute de moyens financiers. « J’ai commencé la photo en 1971 chez Dekoum au rond-point Moungali à Brazzaville. Alors que je n’avais pas de soutien pour mes études, ma grande sœur me confia à ce célèbre photographe de Brazzaville. J’y ai passé une année. J’apprenais très vite », se souvient vaguement Macabus.

Bien que travaillant encore chez Dékoum, Macabus commence à réaliser ses propres travaux. Parfois très tendancieux. Il se plait d’ailleurs à expliquer comment le président Marien Ngouabi (1969-1977), alors grand footballeur, lui commandait des photos sur l’aire de jeu. Macabus réalise un bon portrait du président avec son ballon. Le président Ngouabi et ses belles sœurs sont expressément venus admirer cette photo affichée devant le studio sur l’avanue des Trois Martyrs à Ouenze.

Du haut de ses 46 ans de carrière en photographie, Macabus n’a pas seulement connu le bonheur de son métier. Il se retrouve en prison après avoir fait les photos de Ange Diawara, un contre-révolutionnaire, opposant au régime du président Ngouabi.

Le photographe arrêté personnellement par le capitaine Denis Sassou N’Guesso sur ordre du commandant Marien Ngouabi passe « deux semaines à la sécurité d’Etat ». Selon le récit qu’il fait à Vox, le capitaine le présente au président en ces termes : « Monsieur le président, voici le fameux photographe qui vend les photos de Diawara ». Et au camarade-président de répondre : « Ha, c’est lui ! Mais il est trop jeune » ! Et dans ce lieu de détention qu’il fait la connaissance de Bernard Kolelas, un autre détenu d’opinion.

Malgré ces douloureux moments, Macabus n’abandonne pas la photographie. Il parcourt le continent africain, en photoreporter, couvrant les matchs importants pour le Congo. Les photos sur la coupe d’Afrique Yaoundé 1972, remportée par les Diables rouges et la coupe de la ligue africaine gagnée par CARA en 1974, portaient la signature de Macabus.

Pendant la Conférence nationale de 1991, Macabus immortalise les acteurs en posant avec eux. Isabelle Fylla Lemina, Grégoire Lefouoba ou Jean Michel Bokamba Yangouma peuvent encore admirer, grâce à Macabus, la beauté de leur jeunesse, et leur hargne de parole dans ces assises politiques.

Mais tout ce chef-d’œuvre n’est pas connu du grand public. Macabus a perdu toutes ses archives pendant les conflits armées des années 1990. Le photographe n’a rien fait pour le faire connaître, déplore Lebon Chansard Ziavoula, jeune photographe à Brazzaville. Il aurait souhaité qu’à son époque, le vieux photographe « expose ses œuvres au grand public ».