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Les regrets fusent 20 ans après la guerre du 5-juin

Plusieurs Congolais déplorent l’éclatement le 5 juin 1997 d’une grande guerre fratricide ayant fait entre 15.000 et 30.000 morts. Réagissant à cette page sanglante du pays, les citoyens tirent un trait rouge sur la guerre.

« Non ! Mais je puis vous dire que la guerre n’est pas une bonne chose. Chacun a son témoignage de la guerre du 5-Juin, mais ce que j’ai vécu, je pense pour ma part qu’il ne faut pas jouer avec ces choses, la guerre n’est pas une bonne chose », dénonce vigoureusement le colonel à la retraite, Jean Robert Obargui, appelant à tourner « définitivement le dos aux armes dans la résolution des problèmes du pays ».

C’est au matin d’un jeudi 5 juin 1997 qu’une opération de police réalisée avec un engin blindé tourne mal à Mpila, à la résidence privée de Denis Sassou N’Guesso, alors opposant au régime du président Pascal Lissouba (1992-1997). Eclate alors une guerre civile qui s’achève le 15 octobre 1997 avec le retour au pouvoir du président Sassou N’Guesso.

Vingt ans après, de nombreux Congolais ont maille à se défaire de violents souvenirs de cet épisode malheureux de l’histoire du Congo. « J’étais étudiant en première année à Bayardelle lorsqu’éclate cette guerre. Je me rendais justement à la fac, et j’ai vu des foules de personnes qui rebroussaient chemin à la hauteur du palais des congrès, disant que ça tirait à mort à Mpila », se souvient Joseph Hubert, aujourd’hui père de famille et agent de l’Etat.

« J’ai dû rentrer au village dès le 11 juin, en marchant de Mfilou à Goma Tsé Tsé pour rattraper le train. Franchement, ce fut une étape très difficile. Il fallait assez de courage pour revenir étudier à Brazzaville. La guerre, ce n’est pas bon », ajoute-t-il, mélancolique.

Roger n’avait que 8 ans lorsque les combats sont arrivés dans sa ville de Mouyondzi dans la Bouenza. « J’ai vu comment on tiraient sur les gens. C’était insupportable. La guerre est vraiment à déconseiller, ce n’est pas une bonne chose », raisonne-t-il.

Pour le colonel Obargui qui a joué un grand rôle dans la communication pendant cette guerre, « c’était une guerre des Forces armées congolaises contre une partie de la population. Mais, j’insiste, ce ne fut pas une bonne expérience. Nous avons perdu des amis, des parents. Moi-même, j’ai été sauvé de justesse, grâce à un collègue de service qui m’a protégé », témoigne-t-il.

Honoré Nsayi, le porte-parole de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), le parti de l’ancien président Pascal Lissouba, affirme que son parti avait résolument tourné le dos à la violence. « C’est l’impérialisme pétrolier qui s’est servi des valets locaux pour faire changer le cours de l’histoire dans notre pays. Beaucoup de gens comprennent de plus en plus pourquoi on en était arrivé là. Aujourd’hui, nous sommes dans l’option de dépasser ce qui peut être appelé comme les errements ou les égarements des autres », affirme-t-il.

Au Parti congolais du travail (PCT) qui a succédé l’UPADS au pouvoir, à l’issue de cette guerre, on préfère ne pas tourner le couteau dans la plaie. « Mais pourquoi rappeler ces choses ? Il faut qu’on apprenne tous à oublier, à regarder de l’avant. Le PCT n’est pas favorable à faire une communication là-dessus », réagit le porte-parole du parti au pouvoir, Serge Michel Odzoki, presque à demi-mots.

Les autorités ont, durant ces vingt années d’après guerre, appelé à oublier cette douloureuse épreuve où quasiment chaque famille congolaise affirme avoir perdu un proche ou lointain parent. Sur un engin blindé placé dans un rond-point à Mpila, le message « Plus jamais ça ! », rappelle à tous les citoyens de taire à jamais la violence.

L’Association pour les droits de l’Homme et l’univers carcéral (ADHUC) constate cependant que très peu d’acteurs politiques ont intériorisé ce message. « Sinon on ne vivrait pas ce qui se passe actuellement dans le Pool. C’est dommage pour nos institutions qui devraient s’employer à enseigner partout une éducation de non-violence. Mais, elles ne font rien », déplore le président de l’ADHUC, Loamba Moke.